Je vous
souhaite d’abord une année 2021 sensible, humaine, riche en contacts physiques, une année où nous pourrons
à nouveau être proches, se toucher, s’embrasser, faire la fête !
Imaginez que vous toucher les nuages !Imaginez que vous touchez l’eau de mer !
Nous sommes un corps
Nous sommes déprimés quand nous ne nous touchons pas. En ce moment plus que jamais nous réalisons l’importance du toucher.
En tant que psychothérapie par le toucher, l’art thérapie par les arts plastiques permet de se réapproprier une sensibilité tactile. En touchant la terre ou la peinture, une mémoire tactile très ancienne se réveille .
Nous avons voulu oublier que nous sommes des animaux, que nous n’avons pas un corps mais que nous sommes un corps. N’oublions pas que ce qui définit notre humanité c’est notre ouverture au monde, notre dépendance à cet environnement dans lequel nous naissons.
Nous ne sommes pas des êtres purement intelligibles, coupés du monde extérieur, étrangers à la nature. Nous faisons partie de cette nature et nous en dépendons : nous avons besoin d’air, de nourriture, de lumière, de verdure, de fleurs, d’animaux, d’eau. La matière n’est pas sale, elle nous constitue. Nous sommes chair parmi les chairs, ouverts au monde avec d’autres. En constante interaction.
Acceptons
cette dépendance ; la mort, la maladie mais aussi la vie, l’amour. Acceptons
d’être fragiles et sensibles et transformons cela en force. Jamais nous ne
deviendrons des êtres sans corps, jamais nous ne serons remplacés par des
robots et nous ne le voulons pas.
Nous ne
voulons pas communiquer par écrans interposés, nous voulons voir nos visages,
nos sourires et nous toucher. N’acceptons pas cette déshumanisation qui fait le
profit des puissances du net, désireuse d’accroître leur richesse quitte à ce
que nous tombions tous en dépression.
Notre sensibilité a de la valeur et
du sens
Soyons fiers de notre corps et de
notre sensibilité qui
ont toujours été dévalorisés depuis l’idéalisme platonicien rangeant le bien,
la vérité du côté d’une âme sans corps, masculine. Rangeant le mal et la
fausseté du côté du corps, de la nature, du féminin. Cette dévalorisation du
corps et de la subjectivité, de l’affectivité est une stratégie de pouvoir. Car
qui ne sait pas ce qu’il ressent, qui
perd confiance dans son ressenti se cherche un maître et devient donc
l’esclave de ceux qui prétendent détenir la vérité. Revendiquons la valeur de
notre subjectivité, de notre sensualité.
Nous irons mieux en touchant
Ainsi dans cette tradition dans laquelle nous vivons encore et qui suit une logique d’exploitation et de domination, le toucher fait peur. Toucher c’est sale. C’est pourquoi certains rêvent de sexualité sans toucher, le sexe par Internet se développe.
Pourtant le psychanalyste Boris Cyrulnik a montré l’importance d’être en contact physique les uns avec les autres. Il a prouvé que lorsque nous nous isolons sensoriellement; par exemple lorsque nous déprimons et que nous voulons voir personne, cela crée des lésions neuronales. Dès que nous sommes à nouveau en contact avec d’autres, notre cerveau fonctionne mieux. Il a prouvé qu’un bébé qui n’est pas touché ne se développe pas et finit par mourir. Si en ce moment nous avons besoins des ordinateurs, il ne faut pas nous y habituer.
Ne laissons pas s’installer une société froide et lisse comme l’écran. Prenons conscience de l’importance pour notre épanouissement du toucher. Les personnes psychotiques qui n’ont pas conscience des limites de leur corps par le toucher souffrent énormément.
Une thérapie par le toucher
Ainsi en art thérapie je propose une thérapie par le toucher. Il s’agit de retrouver un contact sensoriel avec la matière : la terre ou la peinture. La personne peint directement avec les mains et modèle avec les mains retrouvant ainsi le toucher par lequel le petit enfant découvre le monde. Retrouvant cette part de jeu et de contact direct avec la matière, retrouvant cette créativité, cette spontanéité d’un rapport au monde par trop dicté par l’intellect de l’adulte qu’il est devenu. Un adulte ne se met pas les mains dans la peinture ? Pourtant il ira beaucoup mieux s’il le fait.
Mais cela
lui semble dégradant, dévalorisant parce que ce qui a de la valeur est toujours
placé sous le signe de l’immatériel, de l’intellectuel mais aussi du sec.
Revalorisons l’élément liquide
associé au féminin
Ainsi les matières liquides et molles, douces au toucher inspirent à certain le dégoût et la peur. Parce que ces matières sont associées à la nature et au corps féminin, dévalorisés dans notre société patriarcale. Pourtant le toucher avec le liquide et le mouvant est notre toucher le plus ancien, celui qui constitue la conscience de notre être et de notre peau : le liquide amniotique. Pourtant la caresse de l’eau et les caresses dispensées par notre mère, le contact avec cette chair douce et souple nous donne la vie.
Avec l’élément liquide a été en même temps dévalorisée la lenteur , également associée au féminin.
Revalorisons la lenteur associée au
féminin
Dans notre société c’est la rapidité qui est valorisée c’est-à-dire l’aptitude à atteindre un résultat le plus vite possible. Pourtant il existe d’autres rythmes, des rythmes lents comme celui de la gestation qui créent en profondeur. Comme celui de la maturation des fruits. Les tomates en hiver ne sont pas bonnes. Préférons les tomates lentement mûries par le soleil de l’été.
La lenteur est un élément indispensable à
la thérapie que je propose : elle permet une évolution en profondeur. Non pas
dans le but d’obtenir très vite un résultat qui brille. C’est pourquoi les
séances d’art thérapie que je propose dures deux heures : il s’agit de se
détendre et d’entrer dans une temporalité autre que la temporalité marchande.
Le temps ce
n’est pas de l’argent, c’est la maturation de l’être.
Dans mes séances j’ associe ressenti psycho-corporel, art-thérapie et psychanalyse; thérapie non verbale et verbale: ressentir, toucher, créer, comprendre, partager
Fermer les yeux, respirer, lâcher prise
Le fait de fermer les yeux permet d’occulter son propre jugement et celui des autres et donc permet de laisser parler le corps. C’est l’inconscient somatique qui s’exprime alors en images. La création n’est pas guidée consciemment. C’est un travail non verbal.
La relaxation par la respiration les yeux fermés permet de rentrer dans un état modifié de conscience qui favorise le lâcher prise dans le travail avec la terre. Il m’arrive d’utiliser l’hypnose dans mes séances .
D’où cette sensation de rêve éveillé
ou naissent des images. Nous pouvons ensuite parler des images qui sont
venues à cette occasion.
Ressentir de manière personnelle
Cet état modifié de conscience permet de se centrer sur son ressenti corporel et de se laisser guider par un rythme personnel où les gestes des mains sont en harmonie avec la respiration et détente de tout le corps.
La lenteur est importante.
Il s’agit de se défaire d’une temporalité corporelle liée à l’utilisation du corps pour les tâches quotidiennes pour retrouver la lenteur d’une temporalité personnelle biologique. Il s’agit de ne plus se projeter dans le futur mais d’exister pleinement au présent.
Lâcher l idée du résultat permet de retrouver la dimension du jeu par lequel l’enfant expérimente le monde.
Le fait de travailler avec les deux mains en même temps fait bouger tout le haut du corps et donc le cerveau droit en même temps que le cerveau gauche, la zone des affects en même temps que la zone intellectuelle. Je fais travailler au sol pour permettre pour permettre une gestuelle avec le bas du corps. Je fais peindre au sol ou au mur ce qui permet une expressivité de tout le corps, idem avec les deux mains et les yeux fermés au départ.
Une psychothérapie par le toucher
Nous abordons ici l‘importance du toucherdans cette thérapie que je propose Se recentrer sur le toucher est favorisé par le fait de commencer les yeux fermés. Je pense que une de mes spécificités d’art-thérapeute tient dans cette approche sensorielle par le toucher qui met en jeu tout le corps conjuguée aux yeux fermés.
Ce moment de contact avec la terre ou la peinture permet de retrouver l état psycho-sensoriel du bébé voire du foétus ou le moi est entièrement un moi-corps. Alors il n’y a pas de séparation entre le ressenti corporel et l’intellect .
le sentiment de réalisation de soi: créer
Lorsque la personne ouvre les yeux, arrive en général un étonnement puis souvent un sentiment de fierté d’avoir pu créer et donner forme à un vécu profond et personnel. L’objet concrétise une image de soi et il y a un sentiment de réalisation de soi. La personne se revalorise . L’ art thérapie permet la re-mobilisation des pulsions de vie par la création. Par le re-investissent positif du monde , le plaisir d’être est retrouvé.
Les mots écrits de manière automatiques permettent de passer du non
verbal au verbal avant la prise de parole. Ils sont une transition de
l’inconscient vers le conscient.
la psychanalyse: le retour à l’enfance
La sensation physique des deux mains avec la terre renvoie chacun à l’enfance voire, il me semble, à la vie intra-utérine. Ce qui expliquerait dans les créations l’évocation de l’enfance et de la mer ( ou de la mère). En effet le bébé découvre le monde avec le toucher et dans l’utérus il prend conscience de lui-même grâce à ce toucher avec l’eau qui entoure tout son corps. La résistance qu’oppose l’eau au toucher de la main est similaire à la résistance que lui oppose la terre.
Ce toucher doux de la terre ou de la peinture renvoie aussi au contact avec la mère. Ce contact avec l’eau qui caresse et masse est simultané à une perception totale d’un soi séparé et en relation avec la mère. Plus tard ce sentiment d’existence par le toucher pour le foétus continuera avec les soins maternels prodigues au bébé donc également les caresses, puis par la découverte du monde en manipulant.
Ensuite vient l’interprétation symbolique de la création et du ressenti pendant le processus de création. Il s’agit de psychanalyse . J’essaie de voir avec elle ce qui se répète de l’enfance dans sa création et dans ce qu’elle a ressenti en créant, ce qui symbolise son histoire. Par l ’analyse de bloquages pendant le processus de création on peut aussi aider la personne à modifier un comportement en l’aidant à imaginer des alternatives pour créer autrement: utiliser d’autres matériaux, couleurs, prendre son temps. ne pas s’obliger à..
Le partage avec l’autre
Arrive la prise de conscience par le partage avec l’autre : le thérapeute et/ou le groupe. Chacun peut s’appuyer sur les projections de l’autre pour découvrir dans sa création plus qu’il n’y voit. Les images (dessins, peintures, modelages, photos, théâtre-image) sont plus susceptibles de projections que les mots qui enferment un peu plus le sens.
Par les mots on crée du commun. Les histoires peuvent se partager et les vécus de chacun raisonnent avec ceux des autres. On peut sortir de sa solitude, de sa culpabilité, de sa honte, c’est la dimension thérapeutique du social.
J’ai écrit cet article pour l’association Osez le Féminisme ou nous menons une réflexion sur la sexualité aujourd’hui dans le but d’aider les femmes à sortir de la domination sexuelle masculine. Depuis les années 70 , cette domination à cédé un peu de terrain sur le plan social mais peu sur le plan sexuel ou la femme reste souvent esclave des pratiques sexuelles masculines notamment dans la dévalorisation de ce qu’on appelle « les préliminaires ».
Et malheureusement quand elle réussit à s’émanciper c’est souvent pour copier la sexualité masculine en adoptant une sexualité phallique. Là encore elle n’affirme rien de la spécificité du désir et du plaisir féminin.
L’enjeu de cette libération sexuelle qui n’a pas encore eu suffisamment lieu est énorme car si la femme affirme la spécificité de sa sexualité , elle cesse d’être l’objet de la jouissance masculine pour devenir sujet de sa sexualité. Elle cesse d’être objet à tous points de vue: sexuel, affectif, social, professionnel car elle ne veut plus « faire comme » lui impose l’homme mais juste différemment.
Séance d’art-thérapie: autoportrait de femme
Dévalorisation des
préliminaires et survalorisation du coït
Les préliminaires désignent couramment les pratiques
sexuelles qui précèdent l’acte sexuel proprement dit : la pénétration. Comme si
la sexualité se réduisait à la pénétration . Quelles pratiques exactement ?
Il s’agit de baisers, de caresses sur tout le corps, y compris sur le sexe, de cunnilingus, de
fellation, du contact peau contre peau, du fait de se serrer l’un contre
l’autre. Ce sont des gestes ou la tendresse rentre souvent en ligne de compte
avec les sons, les odeurs, les mots échangés. Dans les préliminaires c’est
toute notre sensualité qui est en jeu.
Le mot de « préliminaires » indique ce qui arrive avant, ce qui prépare à l’acte sexuel mais ne fait pas vraiment partie de l’acte sexuel. Ces pratiques sont donc considérées comme moins importantes que la pénétration qui serait la finalité même de l’acte sexuel, son apogée. Elles sont considérées comme un préalable dont on peut se passer.
Le coït serait plus
important que les préliminaires parce qu’il serait censé procurer le maximum de
jouissance à l’homme comme à la femme.
D’où vient cette idée que c’est dans le coït que l’homme et
la femme jouissent le plus ?
Sans doute de l’idée très ancienne que le plaisir sexuel a
pour but la reproduction. Car c’est par la pénétration du pénis dans le vagin
que peut avoir lieu la fécondation c’est-à-dire la fusion de l’ovule et du
spermatozoïde et donc la conception d’un enfant . Ainsi pour Freud et pour
bon nombre de religions aujourd’hui la finalité du plaisir sexuel c’est la
reproduction. Comme si la nature avait créé le plaisir sexuel dans le seul but
de la reproduction. Le plaisir sexuel n’est admis que dans le cadre de la
reproduction.
Les préliminaires sont donc dévalorisés dans notre société car ils sont censés apporter moins de plaisir aux deux sexes que le coït. Pour cette raison, les préliminaires sont souvent très rapides entre hommes et femmes parce qu’il faudrait vite passer « aux choses sérieuses ».
Le peu de temps accordé aux préliminaires satisfait t-il les deux sexes ? La réponse est non. Les femmes se plaignent très souvent du peu d’attention tendre et érotique de leurs partenaires masculins, celui-ci voulant très vite passer à la pénétration et semblant s’ennuyer dans les caresses et les baisers. Les femmes se plaignent de ne pas être assez excitées pour la pénétration et prennent alors peu de plaisir dans le coït . Pourquoi ?
Parce que le plaisir sexuel féminin est très différent du plaisir sexuel masculin.
Les femmes pour jouir ont besoin de douceur, de caresses sur tout le corps, de contact peau à peau, de gestes doux et lents car elles jouissent surtout par le toucher. Pour elles la pénétration par le pénis est un plaisir de toucher parmi d’autres, une pénétration parmis d’autres. Pour jouir une femme n’a pas forcément besoin de coït, contrairement à l’homme qui a besoin de la pénétration pour jouir c’est-à-dire pour éjaculer. Si l’homme peut apprécier les préliminaires il devient vite obsédé par l’idée du coït qui permettra ce mouvement de bas en haut sous la pression du vagin et ensuite de l’éjaculation.
Ainsi lorsqu’on dit que le maximum de plaisir est atteint par
la pénétration pour l’homme comme pour la femme on parle essentiellement du
plaisir masculin et on fait comme si le plaisir féminin été identique ! On
impose aux femmes un mode de jouissance masculine qui permet aux hommes de
maintenir leur domination sexuelle en niant la spécificité du plaisir féminin.
Il est donc faux de dire que les préliminaires sont moins
valables pour le plaisir que le coït. Cette assertion ne concerne que les
hommes qui veulent faire croire aux femmes que le coït est aussi pour elle la
meilleure façon d’avoir un orgasme. Ils peuvent ainsi continuer à jouir tel
qu’ils le souhaitent, en toute bonne conscience, mais pas les femmes.
Pour une femme croire que seul compte la pénétration, c’est
renoncer à son plaisir spécifiquement féminin en essayant de jouir comme un
homme. Mais ça ne marche pas !
La femme-objet
Sauf dans le cas d’une sexualité perverse ou la domination
masculine a été intériorisée sous la forme du masochisme : il s’agira alors pour la femme de jouir en tant
qu’objet passif soumis à toutes sortes de pénétrations avec violences. C’est la
sexualité des films pornographiques ou il s’agit d’une sexualité sans
préliminaires c’est à dire d’une sexualité sur le modèle d’une jouissance
uniquement phallique.
Essayer de jouir comme un homme mène souvent la femme à la frigidité. Ainsi beaucoup de femmes
disent avoir peu désir et peu de plaisir. La frigidité des femmes vient du fait
qu’elles ne connaissent pas les spécificités de leur sensualité par ce qu’elles
se laissent imposer des fantasmes, des gestes, des pratiques propres à la
libido masculine.
Les hommes ignorent aussi ce qui fait plaisir aux femmes,
croyant comme elles que c’est forcément par le coït qu’elles atteindront
l’orgasme. Cette survalorisation du coït permet aux hommes de continuer à
pratiquer leur sexualité sans tenir compte du plaisir féminin autre , tout en
assurant en même temps le culte du phallus et le culte du sperme dans la
reproduction. Car c’est le phallus qui a le primat de l’activité dans le coït,
la femme étant priée de se laisser « prendre ». En effet le vagin est
essentiellement vu dans le coït comme une gaine passive dans laquelle s’affaire
le pénis . Par la survalorisation du coît
l’homme se rassure donc sur sa virilité, la pénétration par le pénis
étant croit-il le seul moyen pour la femme d’obtenir la jouissance. La virilité
est ici la capacité à donner du plaisir en même temps que la capacité de procréer.
Le sexe de la femme est vu comme un réceptacle passif au sexe de l’homme seul réellement actif dans le fait de « donner
du plaisir » et de « faire des enfants ».
Si le coït est survalorisé,
les « préliminaires » sont donc dévalorisés. Si la jouissance
masculine est valorisée, la jouissance féminine est dévalorisée depuis des
siècles ; d’où le terme de « préliminaires » désignant ce qui
dans la pratique sexuelle est anecdotique et négligeable. Mais anecdotique pour
qui ? Certainement pas pour les femmes. Car les baisers, le peau à peau,
les caresses y compris sexuelles, sont au contraire les pratiques les plus
importantes du plaisir féminin qui souvent ne dissocie pas tendresse et
sexualité. Tous ces gestes tendres et érotiques font au contraire partie
intégrante de la sexualité humaine , la pénétration n’étant qu’un geste parmis
d’autres.
la pornographie
Mais les hommes ont souvent tendance à dissocier tendresse et sexualité pour affirmer un pouvoir viril, y compris entre hommes. Il s’agit de « posséder » le corps de l’autre par la pénétration sexuelle et visuelle. Ainsi les films pornographiques montrent-ils toujours des pénétrations en gros plan. Ils sont faits pour la jouissance masculine et non pour la jouissance féminine. Dans les scénarios des films pornographiques, il n’y a pas de préliminaires ou très peu. On passe très vite à la pénétration. Les femmes sont alors censées jouir tout de suite des qu’elle sont introduites par l’organe masculin entrant par tous les trous. Elles passent de mains en mains comme des objets. Ce statut d’objet passif, objet d’échange entre hommes est quelque chose qu’on retrouve aujourd’hui sur les sites pornographiques en accès libre sur Internet. Ces films sont visionnés par de nombreux adolescents et adolescentes qui prennent cela comme le modèle de la sexualité adulte. Que voit- on ? Des femmes manipulées, tournées, pénétrées dans tous les sens par des hommes et avec brutalité.
Il est étonnant de voir les rubriques de ces sites pornographiques. Par exemple : « petite salope se fait baiser par trois mecs ». Ces titres sont toujours sur le mode passif, autrement dit c’est toujours la femme qui est l’objet de jouissance de l’homme. Le sujet est toujours masculin et l’objet est toujours féminin.
Lorsqu’on va dans la
rubrique partie trois, ou à plusieurs, effectivement on a toujours deux hommes
qui manipulent une femme ; jamais l’inverse. La femme « se fait
baiser par l’homme » ou par « les hommes » et jamais l’inverse.
D’autre part les scènes sexuelles se font toujours avec violence. On assiste
donc au rapport sexuel sur le modèle du viol.
Les sites pornographiques correspondent en fait aux fantasmes masculins de domination sexuelle très valorisants pour le pénis. Mais en réalité les femmes jouissent plus par un toucher sur tout le corps que par un plaisir d’organe précis. Et lorsqu’elles ont du plaisir, elles ferment les yeux ; pas besoin de films ni d’images.
Sans doute s’agit- il aussi d’un
phénomène culturel, l’homme se devant toujours de dominer et de ne pas se
laisser attendrir. La femme devant se laisser soumettre et émouvoir. Et sans doute les hommes gagneraient-ils à
redécouvrir cette partie de leur sensualité complètement refoulée ; celle des
caresses, des baisers, de la tendresse, de la lenteur. Mais lorsqu’il se
laissent aller à cette sensualité ils ont l’impression d’être une femme ,
quelle angoisse !
la femme doit devenir sujet sexuel
Les femmes ne doivent donc plus
accepter ce terme de « préliminaires » qui nie la spécificité de leur
jouissance pour mieux les asservir. Elles doivent inventer un autre mot pour
ces pratiques.. Car la lenteur, la douceur, les baisers, les caresses sur tout
le corps sont au contraire pour leur jouissance ce qu’il y a de plus important.
Elles doivent revendiquer leur droit au plaisir et imposer aux hommes ce temps
sensuel et érotique nécessaire à leur jouissance, c’est-à-dire devenir un sujet sexuel .Elles doivent refuser de
croire à leur frigidité qui permet aux hommes de les traiter si facilement en
objet puisque de toute façon « elles ne ressentent rien » .
Dans Ce Sexe qui n’ en Est pas Un, la psychanalyste , philosophe et linguiste Luce Irigaray a été une des premières à dénoncer la violence sexuelle banale des hommes envers les femmes. Cette violence étant inscrite dans la sexualité « de tous les jours » ou la femme abdique son droit au plaisir en renonçant à la spécificité de sa jouissance .
C’est dans la scène pornographique que se montre au grand jour la femme comme objet sexuel : « Femmes, ne faite plus un effort. On vous a appris que vous étiez propriété privée ou publique : d’un homme ou de tous. D’une famille, d’une tribu, d’un état, éventuellement républicain. Que tel était votre plaisir. Et que sans soumission aux désirs- d’un homme ou de tous- vous ne connaissiez pas de jouissance. Que celle-ci était pour vous , toujours liée à la douleur- mais que telle était votre nature. Lui désobéir revenant à faire votre malheur.
Mais votre nature était curieusement toujours définie par les seuls hommes, vos éternels pédagogues : en sciences sociales, religieuses ou sexuelles. » Ce sexe qui ’en est pas un, éditions de Minuit, 1977, p201.
Cette période de confinement nous met tous à l’épreuve. Plus que jamais nous devons faire preuve de créativité pour lutter contre la dépression. L’art thérapie a ici toute sa place ainsi que la psychanalyse. Créer et parler c’est être en relation symbolique avec l’autre. À défaut de pouvoir faire autrement, je continue les séances d’art thérapie et de psychanalyse par téléphone . Ces séances me soutiennent et soutiennent les personnes : la relation continue.
Création d’art-thérapie pendant le confinement envoyée de Corrèze, avril 2020
L’oubli du corps et de la sensibilité
Plus que jamais nous réalisons notre besoin d’être en contact physique avec l’autre, en relation charnelle et non pas virtuelle parce qu’une relation humaine est une relation corps et âme et que l’un et l’autre ne peuvent se dissocier sous peine de déshumanisation. Le Corona virus nous fera peut-être réaliser qu’ aucune technologie, aucun robot, aucun e-mail ne saurait remplacer la rencontre entre deux êtres humains, en chair et en os. Lorsque le confinement prendra fin nous devrons tirer les conséquences de cette prise de conscience et lutter contre la déshumanisation croissante de la société et des relations humaines.
L’ordinateur nous fait oublier que nous sommes un corps en relation constante avec l’autre et la nature. Nous ne sommes pas des êtres tout-puissants capables de vivre sans les autres et sans cette nature que nous sommes en train de détruire. Respecter son corps, sa temporalité incarnée , respecter la nature et les animaux , c’est se respecter en tant qu’être humain doué de sensibilité. C’est accepter aussi que nous puissions être malades et confrontés à la mort, ce que la course internationale au profit veut nous faire oublier . Non l’hôpital, les maisons de retraite ne doivent pas être des lieux de profit mais des lieux de soins ou le respect de l’humain doit primer. Arrêtons cette course pour retrouver notre sensibilité, être en harmonie avec notre corps, les autres, la nature. Acceptons notre affectivité c’est-à-dire notre ouverture au monde.
Psychanalyse et voix
Le langage du corps et du visage manquent mais la voix permet quand même une psychanalyse attentive qui passe par les mots, les intonations, les silences. Les émotions sont perceptibles à travers la corporéité de la voix que ce soit la mienne ou la vôtre. A mon sens la voix crée une relation plus profonde que la visioconférence qui est sans cesse parasitée par les problèmes technologiques comme le décalage du son et de l’image.
Art thérapie et photographie
Vous pouvez dessiner, peindre, modeler chez vous et pour ceux qui ont accès à la nature, faire du land art c’est-à-dire créer avec des matériaux naturels. Vous pouvez mettre en scène vos créations et envoyer des photos juste avant la séance pour que nous puissions en parler.
La photographie devient alors un moyen d’expression créatif supplémentaire puisque vous vous exprimez aussi dans la prise de vue, le cadrage, la lumière, la mise en situation de vos oeuvres. Le choix des photos envoyées a aussi un sens. Lorsque nous sommes au téléphone, vous pouvez parfois dessiner et m’envoyer la photo en cours de séance.
Une relation thérapeutique à distance ?
Même si vous créez seuls chez vous la relation thérapeutique ne s’interrompt pas dans le sens où je suis présente symboliquement dans ce moment de création. En effet vous savez que vous aurez à m’envoyer des photos. Bien que je ne sois pas physiquement présente à ce moment-là, je suis présente à votre esprit .L’acte de création peut donc continuer à s’inscrire dans le cadre de la relation thérapeutique.
Il convient quand même d’être prudent dans ce dispositif étant donné que je ne peux pas vous accompagner au moment de la création. Les créations ne sont donc pas obligatoires entre chaque séance: il faut que vous « le sentiez »
Les séances par téléphone durent une heure ou deux une fois par semaine , nous expérimentons pour voir la durée qui nous convient.
Voici quelques photos de créations qui m’ont été envoyées récemment. Elles ont été le support de de séances d’art thérapie et de psychanalyse qui sont toujours en cours.
Création d’art-thérapie pendant le confinement envoyée de Corrèze, avril 2020 Création d’art-thérapie envoyée de Corrèze, avril 2020
Création d’art-thérapie pendant le confinement envoyée du Limousin, avril 2020
En cette période mortifère , il y a aussi le printemps ! Pour nous remonter le moral je vous propose une méditation sur la rose avec un très beau texte de Luce Irigaray.
« Il y a aussi, et encore, la rose. Puisqu’il faut bien tenter de demeurer un peu sur terre, sous le soleil, de s’épanouir et vibrer dans l’air, durer en obéissant au rythme des saisons. Efflorescence qui, mystérieusement, rappelle quelque chose du sang et de l’ange. Recommençant sans cesse, sans pourquoi, parce qu’il faut fleurir, ainsi le commande son cycle, et sans souci d’elle-même, ni désir d’être vue .Pur apparaître…
Il y a la rose, avant et après l’efflorescence. S’ouvrant toujours pour une première et dernière fois. Et, pourtant, le recueillement de ses pétales sait, par sa disposition toutes les roses antérieures et celles futures, mais sans double, ni mime. Quand elle s’entr’ouvre, elle connaît déjà l’ effeuillement, le repli, le recueillement. Non de sa fermeture, mais de son recouvrement. Ses pétales, sauf celles qui entourent ou enveloppent le coeur, celles de l’extrême bouche, reposent envers contre endroit (ou le contraire selon l’abord), dedans contre dehors, intérieur protégeant l’extérieur. Rassemblant ce qui a déjà eu lieu, les lèvres déjà ouvertes, offertes qui, en elle, se garderaient de la dispersion- celle du fils éloignant ses multiples jouets où, à chaque fois, sa mère, sa femme- mère, entières ou en lambeaux. Mémoire qui ne va pas sans deuil s’abriter aussi d’un dehors qui déborde le dedans pour lui faire toit, maison, revêtement, apparences. Ce qui peut tromper, induire en erreur et en errance sur ce qui va à l’extrême bouche, ou au coeur, ou à la source. La rose en soi – si cela peut encore se dire – serait imperceptiblement voilée, artificielle pour qui ainsi le veut ou la pense, de reposer dans ou autour d’un recueillement invisible : son plus secret calice ne se montre jamais, il se tient sous tous pétales déjà rassemblés. Quand ils offriront, dans une splendeur impudique, leur complète ouverture, le lieu où elle se retouchait elle-même, lèvres à lèvres, aura disparu. Vous ne le verrez jamais. Vous ne le verrez jamais dans ce qu’elle est ou a de plus intime. Peut-être est-il, est-elle parfois perceptible à ceux qui demeurent près d’elle, respirant l’espace qui l’entoure, qu’elle crée de cette caresse ou elle subsiste sans refus ? Dans un don qui se dispense à travers l’air sans jamais y apparaître comme tel et sans que quiconque puisse la prendre en main. Sauf à la perdre.
Cécile Orsoni, encre sur papier, sans titre
Le coeur de la rose
s’ouvre sans projet qui commande cette ouverture. Au coeur de la fleur, il n’y
a rien – que le coeur. Il s’ouvre sans raison. Aucune téléologie ne commande
l’éclosion des pétales. Elle ne sert à rien. Sinon au regard ? Quel regard ?
Elle nous regarde d’où elle ne se représente pas. Regard encore vierge de toute
présence fabriquée et reproductible. En un certain sens, elle est invisible et,
pourtant, tellement plus visible que tout ce qui se représente. Elle n’est ni objet
ni chose. Elle ne peut se parler en mots, même si un vocable la désigne dans la
langue. Elle n’a pas de double. Elle se donne toujours pour la première et
unique fois. Attire le regard dans sa contemplation. L’arrête – sans pourquoi.
Il s’ouvre – sans raison. Baignée dans son efflorescence.
Mouvement sans forces.
Traits déterminés sans la rigidité de l’application d’une énergie. Pétales à
sans contours fermes. Finitude in – fini. Illimitée. Splendeur de
l’imperfection. »
Stage d’art thérapie en petit groupe dans la Castagniccia du 19 au 23 aout 2020: land art, dessin, écriture.
Ce stage de 5 jours s’adresse à toute personne en recherche d’un mieux être et d’une meilleure connaissance de soi. A l’heure des ordinateurs nous perdons notre présence au monde et aux autres pour être toujours dans un ailleurs: un temps et un espace virtuel sans corps, sans émotions.
Il s’agira ici de créer via le land art qui met tout le corpsen mouvement sur un site ou la nature nous fait signe de manière puissante. Une partie du travail se fera à l’extérieur et l’autre en atelier.
Photo
prise sur le lieu du stage à Croce dans la Castagniccia
L’art – thérapie est une psychothérapie par la création artistique. Mais il n’est pas nécessaire d’avoir des compétences artistiques. En effet le but recherché n’est pas l’acquisition de techniques mais l’expression de soi-même, le changement vers un mieux-être.
L’art thérapie permet de se trouver et de se reconstruire dans un temps de création, d’être aussi dans une dimension de plaisir et de lâcher prise ; un temps de jeu. Par la création nous transformons notre vécu parfois douloureux pour en faire quelque chose de positif ce qui conduit à l’expérience d’une revalorisation de soi. Le contact sensuel avec les matériaux naturels permet de se reconnecter au corps, aux émotions et aux images. L’acte de création dans la nature ( land-art) remet le corps et l’ esprit en mouvement .
Objectif
Ce
stage propose un travail d’introspection en petit groupe. Les participants
seront invités à s’exprimer de manière individuelle à travers le land -art en
extérieur, le dessin et l’ écriture .
Les émotions et les œuvres seront analysées en groupe.
Méthodologie
Il y aura une alternance de phases de création individuelle via le land art , le dessin, l’ écriture et d’analyse en groupe. Il s’agira de mieux se comprendre soi même en utilisant sa sensibilité et à sa créativité, chacun pouvant s’appuyer sur l’autre par l’analyse en commun des émotions ressenties et des créations .
L’approche psychanalytique des créations permettra à chacun de remonter dans son passé pour mieux comprendre son présent ; chacun sera invité à associer à partir des créations, à exprimer et analyser ses émotions, à les interpréter. Dans une logique de recherche en commun, nous verrons comment le vécu de chacun raisonne avec celui de l’autre ; chacun permettant à l’autre de mieux se comprendre. En faisant part de ses associations par rapport à la création de l’autre chacun exprime son transfert et peut prendre conscience de ses propres projections
Déroulement
Chaque journée nous nous retrouvons à 10h , pause déjeuner ensemble de 13h à 14h30, reprise jusqu’à 17h. Prévoir un picnic à partager pour le déjeuner.
Jour 1 : Matin : ronde de présentation, qu’est ce que j’attends de ce stage ? Jeu pour faire connaissance .Land art : création en pleine nature sauvage avec les materiaux naturels : pierre, branche, feuille, lumière, terre, eau etc…Prise de photo des œuvres.
Pm : analyse en commun des œuvres de land art.
Travail d’écriture automatique et création d’un texte sur un carnet de voyage individuel. On donne
un titre à la journée.
Jour 2 : Matin :on se retrouve autour des photos et des croquis et chacun parle de son ressenti par rapport à la veille, de rêves éventuels et du regard qu’il porte aujourd’hui sur sa création.. Land art et prise de photo
Pm : analyse en commun des oeuvres. Travail d’écriture automatique et création d’un texte sur un carnet de voyage individuel. On donne un titre à la journée.
Jour 3 : idem.
Jour 4 : idem.
Jour 5 : Matin : création collective de land art symbolisant le chemin parcouru pendant ces 4 jours.
Pm : analyse en commun de la création fin pm : Pot de clôture du stage apéro dinatoire
Inscriptionsavant le 20 mars 2020 (à cause des gites qui sont très prisés ) auprès de Cécile Orsoni : 06 78 73 94 48.
Nombre de participants limité: 8 personnes maximum.
Dates : du 19 au
23 aout 17h. Rdv la veille le 18.
Lieu : village
de Croce dans la Castagniccia. Ce village est un village ancien et typique de
la Castagniccia, la région la plus verte de Corse à cause de ses chataîgners sous
lesquels on peut faire la sieste à l’ombre. De magnifiques randonnées et
promenades partent du village .La plage est à 30 mn de route du village ainsi
que la magnifique cascade de Carchetto. La richesse et la beauté du paysage à
proximité nous permettra de varier les lieux de land art.
Coût du stage 5 jours : 340 euros, matériel compris. les repas, logements et transports ne sont pas compris.
Logement : gites
communaux de Croce, attention faire très vite pour réserver ! Je mettrais
en contact les personnes intéressées pour louer ensemble
En quoi cela vous aide d’interpréter votre création lors d’une séance d’art thérapie ?
Je vous donnerais un exemple en vous proposant d’analyser la peinture ci dessous qui a été réalisée lors d’une séance individuelle d’art thérapie par F dont je vous ai communiqué le très beau texte.
Il ne s’agissait pas ici de la première séance, d’autres dessins avait été fait avant et d autres seront faits après. Cela signifie que cette peinture prend sens avec la psychothérapie psychanalytique et les peintures qui l’ont précédées ainsi que celles qui l’ont suivies : l’interprétation que je vais en donner se fait donc en fonction de tout le travail qui entoure cette peinture. Elle ne peut être isolée de ce contexte.
Cette peinture symbolise un moment particulier de la thérapie où j’avais proposé à F de faire des autoportraits d’elle à plusieurs âges : enfant, adolescente, femme d’âge mûr. ici elle se représente telle qu’elle est maintenant: une femme d’âge mur.
Interpréter par la technique de l’ association libre
En fin de séance arrive le moment d’interpréter la peinture réalisée, pour cela j’utilise la technique psychanalytique de l’ association libre : dire sans retenue ni jugement tout ce que lui inspire sa peinture même si cela parait absurde. Or avec F nous constatons que la tête semble d’une autre nature que le corps : le visage est blanc alors que le corps semble rempli de jaune, qui est aussi la couleur du fond. L’intérieur des yeux est également jaune comme si le fond jaune avait envahi l’âme et le corps car on sait bien que les yeux sont « le miroir de l’âme ». Autre élément d’étrangeté de cette tête : elle semble comme un masque posé sur le cou. En effet les yeux sont vides comme ceux d’un masque et l’expression est figée.
En regardant d’autres peintures nous pouvons toujours faire la même remarque : les têtes semblent toujours séparées du corps, étrangères à lui.
Vrai self et faux self
Je demande à F si d’une manière générale elle à l’impression que sa tête est coupée de son corps, que son corps lui est étranger. Elle me répond que oui, qu’elle a souvent l’impression que son visage est un masque qui joue un rôle sans exprimer son vrai soi ; son « vrai self ». Je reprends ici un concept de Winnicott. En effet celui- ci a montré qu’une personne ayant subi de graves traumatismes peut développer un « faux self » c’est-à-dire une personnalité artificielle qu’elle se construit pour s’adapter aux autres du mieux qu’elle peut. Ce faux self est une défense protéger le vrai soi qui n’a pas pu s’exprimer et se développer et qui se cache. Les personnes qui utilisent cette défense se sentent un autre qui joue la comédie sans rien ressentir.
F ressent donc son corps comme appartenant au
monde extérieur mais pas à elle : c’est comme cela qu’elle interprète la
ligne blanche très fragile qui sépare le corps du fond jaune ; elle ne
ressent pas nettement les frontières entre l’intérieur de son corps et l’
extérieur de son corps.
Une prise de conscience objectivée par l’image
Grâce à l’interprétation qu’elle fait de sa peinture , guidée
par les questions que je lui pose, F a pu prendre conscience de l’ image qu’elle
a d’elle-même et de son corps. En effet la peinture a matérialisé en image l’impression
permanente qu’elle a d’être coupée de son corps, des émotions de son « vrai
self ». il n’est pas sûr que F soit
arrivée à exprimer cette distance de soi à soi directement par la parole . En effet
l’inconscient s’exprime plus spontanément en image exactement comme dans le
rêve. C’est un point fort de l’ art-thérapie : nous avons tout de suite
devant les yeux une image matérielle pleine de sens.
Le travail thérapeutique consiste ensuite pour F à interpréter verbalement ce que symbolise pour elle sa peinture, à comprendre ce qu’elle exprime ici de son état présent mais aussi de son histoire passée : a-t-elle toujours eu cette impression d’être coupée de son corps ? Y a-t-il une cause très ancienne à la mise en place de ce mécanisme de défense ? Cette prise de conscience permet aussi à F d’entrevoir ce qu’elle souhaite dans le futur par exemple se réapproprier son corps, ses émotions, se sentir elle-même c’est à dire renouer avec son vrai self.
On peut aller beaucoup plus loin dans l’interprétation de ces peintures mais mon propos est juste ici de donner une piste de compréhension..
Je demande parfois aux personnes qui le souhaitent d’écrire un texte en fin de thérapie. Voici le témoignage d’une femme que j’ai suivi en art-thérapie et psychanalyse. Par la suite ses peintures ont fait l’objet d’une exposition d’art-thérapie, j’en commenterais quelques unes dans les prochaines newsletter. Je la remercie vivement pour ce très beau texte et pour m’avoir donné l’autorisation de le publier.
« Peu avant ma première séance d’Art-thérapie, j’ai fait ce cauchemar extrêmement parlant par rapport à mon histoire.
J’avais peur, parce qu’il parle de mon traumatisme profond. Le non-dit, la culpabilité, la honte… Je savais bien qu’il faudrait dire la vérité, vous en parler, mais j’attendais de ne plus avoir le choix. Cet aveu est tellement douloureux…
C’est arrivé assez vite, au cours de la deuxième séance, il me semble. Quand vous m’avez demandé de dessiner « ce qui est arrivé à cette femme ». Parce qu’il s’agissait bien d’une femme… mais qui a perdu sa féminité.
Cela m’a beaucoup soulagée de vous dire ce qui m’était arrivé, enfant. Et votre réaction dans l’accueil, m’a détendue.
J’avais du mal à dessiner ce que je voulais. C’était finalement assez frustrant de ne pas « savoir » dessiner, de ne pas pouvoir retranscrire ce que j’avais comme image dans la tête.Mais après les séances, vous m’avez encouragée en me disant que mes dessins étaient beaux et cela m’a fait beaucoup de bien. Beaux, même si je ne sais pas dessiner, parce qu’ils sont vrais. Et beaux, même si ce que je dessine est affreux. Affreux ce que j’essaie de cacher depuis toujours, tout en espérant pouvoir le dire et m’en débarrasser…
Grâce à vos encouragements, j’ai continué au fil des séances avec un peu moins de jugement intérieur.
Le moment où j’ai dessiné le petit bonhomme blanc, que j’ai ressenti comme mon innocence, ma pureté, ma force aussi, a été très important et libérateur. J’ai d’ailleurs affiché dans ma chambre depuis, le dessin sur le craft du grand bonhomme blanc avec son pistolet, qui est plus fort que le noir, plus fort que l’agresseur, plus fort que la destruction, que la dépression. Je le vois tous les jours, et il me donne de la force.
Séance individuelle d’art-thérapie avec F , atelier Cécile Orsoni , 2015
Quand j’ai peint avec mes doigts pour remplir mon corps, cela m’a vraiment touchée émotionnellement. J’avais l’impression de me redonner vie, d’avoir la possibilité d’habiter enfin mon corps, de reprendre contact avec moi-même. Je ne sais pas si c’est encore le cas, parce que le chemin est long, mais un contact a eu lieu je pense. Pour moi, habiter son corps va avec la joie de vivre et sûrement un sentiment d’unification. Je m’en sens encore éloignée, mais des pas ont été faits.
Séance individuelle d’art-thérapie avec F , atelier Cécile Orsoni , 2015
Je sens qu’un parcours a été effectué lors de ces séances. Comme une boucle. J’ai entendu des messages : tu peux retrouver ta beauté, retrouver ton innocence, ce que tu es vraiment… Tout ça n’a pas été complètement détruit.
Le plus important pour moi, et le plus difficile, c’est de pouvoir montrer l’in-montrable, dire l’impensable, l’inacceptable. Et ce travail m’a permis de le faire d’une certaine façon. Pouvoir mettre en dehors de moi, sur des feuilles blanches, ce qui me ronge, ce tabou, cet impossible à dire, est libérateur. Ca veut dire : c’est possible que ce soit vu par d’autres.
Evidemment, l’exposition a doublé cet effet. Tout à coup, des gens que je ne connais pas, qui ne sont pas thérapeutes, peuvent voir ce qui pour moi est impossible à montrer. C’est comme un espoir que l’inhumain puisse devenir humain, être vu, reconnu. Parce que pour moi, ce traumatisme reste confiné dans une zone d’inhumanité, comme s’il m’avait exilé de la « normalité » humaine.
Exposition d’art-thérapie à Paris en 2016, peintures de F
Mais justement, j’ai senti que cette expérience d’exposition m’avait ouvert une porte. Peut-être que oui, aujourd’hui, et encore davantage demain, je pourrai dire et montrer, ce qui, hier, était absolument impossible.
Et dire et montrer cette vérité, c’est pouvoir retrouver ma beauté intérieure, ma féminité et mon être… Tel est mon plus grand souhait.
Je vous remercie beaucoup de m’avoir accompagnée dans ce voyage et de m’avoir permis de montrer ce qui m’empêche de vivre dans la joie et la légèreté. Je me suis vraiment sentie bien guidée au fur et à mesure des séances. Une étape importante a été réalisée à l’intérieur de moi-même, je le sais. Le chemin continue…«
Depuis quelques années je propose des séances d’art thérapie et de supervision individuelle pour les art-thérapeutes débutants et en formation. Pour tout renseignement vous pouvez me joindre au 06 78 73 94 48. Vous trouverez ici quelques conseils pour devenir art-thérapeute.
1-Expérimentez l’art-thérapie sur vous-même.
Vous ne pourrez pas aider quelqu’un par l’ art-thérapie si vous ne l’ avez pas pratiqué sur vous-même par ce qu’il vous faut intégrer de manière pratique la démarche thérapeutique de l’ art-thérapie. Pour être psychanalyste il faut avoir fait une longue analyse personnelle par ce que cet enseignement ne se fait pas dans les livres par la théorie; pour être art-thérapeute c’est aussi avant tout un enseignement pratique et existentiel qui peu à peu fait partie intégrante de votre façon de penser et d’être en relation avec l’autre dans le cadre de la thérapie.
En faisant une thérapie par l’art vous apprenez de manière existentielle ce que produit le processus thérapeutique de la création en vous et donc vous serez plus tard à même de le transmettre à un patient. Vous pourrez comprendre ce que produit en l’autre l’acte de création et vous pourrez alors proposer au patient des exercices adaptés à sa problématique.
Sans ce travail thérapeutique sur vous-même vous risquez d’aggraver le problème du patient en lui proposant un exercice inadapté Au mieux votre séance n’aura pas d’effet thérapeutique sur le patient et se réduira à une animation. Par exemple il n’est pas recommandé d’obliger une personne autiste à toucher de la terre ou de la peinture. C’est pourquoi il est aussi nécessaire d’avoir des connaissances en psychopathologie.
Pour devenir art-thérapeute il s’agit donc d’intégrer en soi
le processus de thérapie par la création. Qui dit « processus » dit
travail de thérapie sur le long terme. Faire une séance d’art-thérapie ne
suffit pas, ni même un stage.
2- « Connais -toi toi-même »
Pourquoi voulez- vous devenir art-thérapeute ?
La psychothérapie par l’art que vous allez entamer vous permettra de comprendre pourquoi vous voulez être art-thérapeute. Vous apprendrez à savoir d’où vient ce désir.
On ne devient pas thérapeute par hasard : que voulez-vous soigner en vous en devenant art-thérapeute ? Quelle personne dans votre enfance avez-vous essayé d’aider ? Pourquoi est-ce la médiation artistique qui vous intéresse précisément?
En répondant à ces questions vous pourrez ainsi connaitre votre contre-transfert par rapport à vos patients c’est-à-dire répondre à la question : qu’est-ce que je projette de mon vécu sur cette personne ? Par exemple : pourquoi me met–elle en colère ? Est-ce cette personne qui me met en colère ou est -ce un autre que je vois à travers elle ? Vous éviterez alors de confondre votre problématique avec celle de l’autre et c’est à cette condition que vous serez vraiment à même de l’aider.
3-Maitriser une pratique artistique
Pour pouvoir proposer au patient un exercice qui l’aide vous devez pouvoir imaginer ce que produira sur lui tel médium : terre ou peinture ? Ou tel exercice de danse : danse au sol ou debout ? Par exemple : faire dessiner quelqu’un ne produit pas du tout le même effet thérapeutique que lui faire faire du modelage. Et pour le modelage cela ne produit pas le même effet de modeler avec ou sans outils. Ce n’est qu’en ayant pratiqué et en pratiquant vous-même de manière poussée une activité artistique que vous pourrez anticiper ce qui pourrait aider la personne.
Sans cette maitrise artistique vous proposerez toujours le même exercice et vous passerez à côté de la singularité de la personne . On ne peut pas être art-thérapeute en appliquant toujours la même méthode et le même exercice. En effet dans la thérapie il faut sans cesse s’adapter à la personne car c’est d’ abord elle qui guide sa propre thérapie. C’est ce que le patient apporte qui va vous permettre d’imaginer pour lui ce qui pourrait lui convenir. L’art-thérapeute doit toujours être créatif et à l’ écoute, il n’ a qu’un temps d’avance sur son patient.
Le profil idéal de l’art-thérapeute est d’être à la fois artiste et psychologue , psychanalyste ou psychothérapeute. En tous les cas il faut avoir expérimenté sur soi l’art-thérapie de manière poussée et personnelle et avoir une pratique poussée dans une discipline artistique : danse, théâtre, musique , arts plastiques. On ne s’improvise pas art-thérapeute par ce que faire une psychothérapie prend du temps comme maitriser une pratique artistique prends du temps.
Derrière cette l’idée que l’ art-thérapie n’est pas une psychothérapie « sérieuse »se cache la conviction que la création artistique est un jeu sans importance .
C’est pourquoi dans cette optique on pense souvent que l’ art-thérapie est exclusivement destinée aux enfants, aux personnes âgées ou handicapées. Se cache également une conception dévalorisante de l’activité manuelle et « sensible » vue comme dégradante . Un adulte qui se respecte ne met pas les mains dans la peinture. Au contraire il fait fonctionner ce qui le constitue à ses yeux comme « adulte » c’est-à-dire ses capacités intellectuelles, rationnelles dans le ciel élevé des idées.
Les choses sérieuses ne relèveraient que de notre haute capacité de raisonnement abstrait tandis que les choses « futiles » relèveraient plutôt de l’ordre de la sensibilité, de l’émotion, de l’artistique. Le raisonnement c’est le calcul donc symboliquement la maitrise du monde et de soi propre à l’adulte alors que l’affectivité symboliserait au contraire la perte de contrôle donc elle renverrait à l’enfant.
Séance individuelle d’art-thérapie avec Cécile Orsoni art-thérapeute. Retrouver l’enfant.
Dans ce contexte on ne peut que considérer l’art-thérapie comme un amusement ou une technique de bien- être mais certainement pas comme une psychothérapie digne de ce nom c’est à dire « sérieuse » ou « adulte ». On pense alors qu’il ne s’agit pas d’un vrai travail sur soi.
Mais assimiler l’art-thérapie à une méthode de bien-être c’est d’abord nier sa dimension de thérapie
On ne prend pas alors en compte l’engagement du patient sur le long terme et ses efforts parfois douloureux dans le but d’un changement en profondeur. C’est nier les moments douloureux ayant nécessairement lieu dans la thérapie par ce qu’il s’agit de se remettre en question et d’exprimer une souffrance. C’est nier enfin la part active du patient dans l’acte de création qui a lieu dans une séance d’art-thérapie mais pas dans une séance de massage. Une séance de massage a lieu ponctuellement et ne nécessite pas d’engagement dans la durée. De plus vous êtes passif alors que lors d’une séance d’art-thérapie vous devez vous mettre en action pour créer et pour réfléchir pendant la séance et entre les séances. Il s’agit d’un processus qui demande un grand investissement personnel.
Maintenant peut on considérer l’ art-thérapie comme un jeu
inconséquent ?
Il est vrai que la création est un jeu, mais ce jeu est tout sauf futile. Le psychanalyste Winnicott dans Jeu et Réalité nous a montré que le jeu est une activité hautement sérieuse par ce que fondamentale dans la construction psychique de l’enfant et plus tard de l’adulte qu’il sera. Lors d’une séance d’art- thérapie l’adulte en souffrance va pouvoir retrouver dans l’acte de création un rapport au monde de plaisir qui est celui de l’enfant. Il va à nouveau constater qu’il est capable d’être en harmonie avec le monde extérieur par ce qu’il est capable de façonner la peinture ou la terre selon sa volonté avec l’aide de l’art-thérapeute . Le rôle de l’art-thérapeute est de construire le cadre dans lequel cet acte de création va pouvoir se faire : cadre spatio-temporel et cadre relationnel .l’ art-thérapeute fonctionne comme une « mère suffisamment bonne » c’est à dire qu’il ne devance pas le désir du patient mais l’aide à réaliser son désir et à en prendre conscience. Certains adultes ont besoin de revivre cette période d’énergie créatrice voire de la vivre tout court car ils ont cessés d’être enfants bien trop tôt.
L’art-thérapie permet une expression de soi sensible et personnelle
Dans cet acte de création vous allez aussi pouvoir vous exprimer de manière très personnelle par ce que vous utilisez votre sensibilité : pour la peinture il s’agit plus particulièrement du toucher, de la vue mais en réalité c’est tout le corps qui se met en mouvement . Or l’expression par la sensibilité est plus personnelle que l’expression verbale par ce que plus singulière . En effet les mots sont plus « communs » c’est-à-dire plus abstraits que le l’expression par le chant ou le dessin. Par la création artistique vous affirmez ce que vous êtes ensuite vous pouvez en prendre conscience avec la psychanalyse : vous vous appropriez votre vécu par l’interprétation verbale et l’association libre. On sait à quel point il est important de pouvoir s’exprimer de manière personnelle car c’est l’affirmation de votre singularité et de votre liberté qui est en jeu. Empêcher un homme de s’exprimer c’est le priver de liberté et vouloir le tuer psychiquement. Les dictateurs le savent bien qui exterminent les artistes et font brûler les œuvres d’art ; pensons par exemple aux autodafés du régime nazi .
Ainsi loin d’être un jeu inutile et futile la création artistique est tellement sérieuse qu’elle représente un danger pour ceux qui veulent assoir leur pouvoir en imposant une pensée unique. L’art-thérapie permet justement l’expression personnelle de soi même en remobilisant peu à peu et à votre rythme votre sensibilité, vos émotions et l’énergie créatrice de l’enfant qui est en vous.
Car le traumatisme engendre souvent une coupure entre un soi rationnel et un soi sensible. C’est une manière de se défendre parfois nécessaire pour ne pas s’effondrer: « non ce n’est pas moi qui sent, qui souffre ». Mais être coupé de sa sensibilité c’est se couper des autres et du monde et ceci constitue aussi une souffrance : on se sent seul, on ne sait plus qui on est et ce qu’on désire réellement.