Cécile Orsoni art-thérapeute

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Vers…

Un peu de métaphysique? Une réflexion en images sur l’existence humaine? Une métaphore de la vie si cela vous intéresse..

Héraclite, Les Fragments:
« On ne peut pas entrer une seconde fois dans le même fleuve, car c’est une autre eau qui vient à vous ; elle se dissipe et s’amasse de nouveau ; elle recherche et abandonne, elle s’approche et s’éloigne. Nous descendons et nous ne descendons pas dans ce fleuve, nous y sommes et nous n’y sommes pas. « 

J’ai voulu réaliser dans ce film une métaphore de l’existence humaine et mettre en images un questionnement métaphysique. L’existence est ici conçue comme une marche vers l’inconnu d’où le titre : « Vers.. » ou se melent vie et mort, ombre et lumière, angoisse et joie. L’homme chemine dans le noir, franchit des étapes et découvre des moments de lumière ou le sens de la vie apparaît.
Le personnage du film symbolisant l’être humain , descend des escaliers et il ne sait pas ou mène cette marche initiatique. La solitude est présente et renvoie à la solitude existentielle : la naissance et la mort . Le fait de descendre suggère la « descente aux Enfers » ; descente vers l’au-delà. Mais je le vois également comme une descente dans l’inconscient les profondeurs de soi-même. Cette marche est un parcours vers soi-même ou nous devons devenir de plus en plus profond et nous connaître de mieux en mieux. Un parcours spirituel donc mais on mène-t-il ? C’est ce que nous ne savons pas.
À la fin du film, la silhouette humaine se fait très petite et disparaît. On entend un claquement de porte. Sur quoi ouvre-t-elle ? Où va ce personnage ? Autant de questions sans réponses et nous devons pourtant avancer. Le film commence également par un claquement de porte : la pièce de théâtre peut commencer. Voilà notre vie qui s’ouvre mais qu’ y avait-il derrière cette porte ? Pourquoi sommes-nous là ?

Le fait que notre vie soit conçue comme une marche rappelle que la vie est mouvement et rythme . Le bruit des pas rythme le film comme celui de l’eau et comme la marche du cheval dans l’eau. Le cycle de la vie est mouvement : de la naissance à la croissance, à la dégradation du corps jusqu’à la mort. Le mouvement est aussi présent dans les moments de lumière par les mouvements perpétuels de l’eau et rappelle que nous sommes corps et comme le dit Nietzsche ; les pensées les plus profondes surgissent en marchant.
La silhouette du film passe par une alternance de scènes obscures et calmes rythmées par le marche et le claquement des portes et de scènes lumineuses avec le bruit de l’eau. Comme dans mon travail de gravure sur bois en noir et blanc, les contrastes sont importants. Nous cherchons dans le noir mais nous découvrons des moments où la lumière éclate et la beauté fait irruption. La vie prend alors un sens évident. Devant le spectacle de la beauté l’homme ne se pose plus de questions. Il se sent juste en harmonie avec l’univers. Les moments de lumière et d’eau sont donc des moments de sens et de vie.
Dans ses photos de nuages Équivalents, Alfred Stieglitz semble bien chercher un sens au monde qui l’entoure, et même à ce qu’il a de plus distant : le ciel. A l’ aproche de sa mort, il cherche un sens dans ces nuages et le trouve puisqu’il trouve de la beauté dans quelque chose d’inhumain. Il pense également que ce spectacle fabuleux des nuages est le symbole plastique de son état d’esprit et se sent alors en accord avec l’univers. C’est la vision romantique du paysage comme reflet des sentiments de l’artiste.

Alfred Stieglitz, EquivalentsÉquivalents
L’eau, élément très important dans ma vie quotidienne et très présente dans mes rêves, est omniprésente dans ma vidéo. Elle est un élément en perpétuel mouvement comme les nuages. Elle est aussi l’élément du rêve comme l’a montré Bachelard dans L’Eau et Les Rêves. Le film Vers… est comme un rêve existentiel que je mets en images. Comme dans le rêve, jour et nuit peuvent se mêler et comme dans la vie jour et nuit se succèdent. L’eau est l’élément de tous les possibles, liquide amniotique, l’élément de la renaissance et du baptême. Mais comme le sont les symboles elle est ambivalente : l’eau peut tuer aussi bien que donner la vie. Et Bachelard cite Jung :
«.. c’est que les sombres eaux de la mort deviennent les eaux de la vie, que la mort et sa froide étreinte soient le giron maternel tout comme la mer, bien qu’engloutissant le soleil le ré-enfante dans ses profondeurs… Jamais la Vie n’a pu croire à la mort ! » in C. G. Jung, Métamorphoses et Symboles De la Libido.
L’ambivalence symbolique de l’eau se retrouve dans les vidéos de Bill Viola récemment exposées au Grand Palais. Dans The Dreamers; l’eau est l’élément de la mort, elle est statique et le spectateur a l’impression de voir des gens en train de se noyer .Mais on pourrait tout aussi bien voir ces visages comme ceux de foetus baignant dans le liquide amniotique, leur expression est paisible. L’eau est ici élément de vie, de mort et de rêve.

La vidéo Tristan’s Ascencion montre l’eau comme l’élément qui va ressusciter le cadavre d’un homme et l’emporter dans son mouvement. L’eau sort du corps de l’homme allongé comme si le sang était aspiré et giclait hors du corps pour devenir un raz-de-marée qui emporte le corps vers le ciel, vers une nouvelle vie. Une autre vidéo montre un homme dont le corps est embarqué par sa famille pour un lointain voyage sur une eau calme ; il s’agit bien sûr du voyage vers la mort et on pense à la barque de Caron.
Ainsi dans mon film les eaux sont tantôt miroirs calmes et reflètent le soleil comme un miroir apaisant, tantôt agitées et signes de tempête, tantôt fluides et vibrantes d’air et de lumière, tantôt douce ou assourdissante. Mais plus que la mort , l’eau est plutôt ici l’élément de la vie contrastant avec la marche silencieuse dans le noir.
Les scènes d’eau parlent également de l’éternel indissociable pour nous de l’éphémaire. Le spectacle de l’eau sur la plage qui va et vient dans un mouvement perpétuel, fait et défait des figures dans le sable, emporte et ramène sur la berge, le vent qui crée les vagues et sillons dans l’eau, les reflets changeants de la lumière: voilà un spectacle de l’éphémaire. C’est le spectacle de notre existence et du temps qui passe.
Mais ce spectacle est aussi pour nous celui de l’éternité : ce spectacle nous survivra. Le spectacle de la nature entre dans l’éternité car la même plage verra passer des générations et des générations d’hommes. C’est l’aspect inhumain de la nature qui reste là et nous voit passer.
A ce propos nous renvoyons au film et installation de Thierry Kuntzel, La Vague , 2003.

Thierry Kuntzel, installation et vidéo la vague

Ce film saisissant suscite en nous une angoisse devant l’informe et l’inhumain d’un phénomène naturel. Quand le spectateur avance vers le film la vague se ralentit et nous avons peur d’être englouti par elle. Le ralentissement oblige à la regarder. Dans cette vidéo il y a l’aspect mouvant de la vague et l’aspect fixe du spectacle qui est toujours le même: éphémaire et éternel.Mais l’eau a ici plutôt une dimension négative et rappelle la terreur infantile d’être englouti.

Néanmoins le spectateur déclenche le mouvement de la vague par son déplacement ; il n’est donc pas totalement à la merci de celle-ci puisqu’à son approche elle ralentit. Dans mon film le personnage, s’il marche dans l’inconnu, n’est pas non plus totalement démuni face à l’existence . Par sa marche et par son action s’ouvre le jour où la nuit, le sens où le non-sens.

Merci à Jean François Baudé pour son aide au montage: un vrai pro ! Merci à Vincent Rambié qui a bien voulu jouer l’acteur..